Si un classement comme E-buzzing (ex-Wikio) a généré tant de critiques (positives comme
négatives ou ironiques) c’est que les débats sur l’évaluation et son impact sur le web sont toujours vifs. Avec Christian
Marcon, dans le cadre du colloque EvalMedia2012, nous nous sommes interrogés sur ce que ce type de classement peut apporter aux
blogueurs. Ou plutôt, nous l’avons demandé à certains d’entre eux.
Pour se donner une idée de la perception que les blogueurs ont des classements qui évaluent leur blog, nous avons interviewé 9 d’entre eux classés dans la catégorie « High-tech » du classement Wikio (devenu donc E-buzzing entre temps). A savoir : Thierry Roget, Christophe Ramel, Flavien Chantrel, Emilie Ogez, Christophe Thil, Frédéric Pereira, Sylvain Richard, Bertrand Duperrin et Chob (que nous remercions encore beaucoup au passage). Bien entendu, nous n'exposons pas ici leus avis de manière nominative (confidentialité oblige).
Pourquoi la catégorie High-tech ? Car étant donné que cette étude était exploratoire (i.e. pas encore réalisée en France à notre connaissance) et qualitative, il nous semblait intéressant de nous appuyer sur des experts du sujet ayant déjà une certaine prise de recul sur ce type de classement.
Le papier n’est pas encore en ligne, mais voici la présentation réalisée pour le colloque qui synthétise les résultats obtenus. De plus, je vous livre ci-dessous une rapide synthèse de ce que les blogueurs ont partagé avec nous.
Pour faire (très) court (la présentation étant déjà bien chargée, et le résumé d’un article de 15 pages difficile à faire) :
==> Nous avons choisis de nous focaliser sur quatre grands aspects du classement Wikio :
=> La catégorisation des blogs (qui est déjà une forme d’évaluation en soi)
=> Ce qui a motivé à l’inscription
=> La pertinence des critères d’évaluation
=> Les apports de ce type de classement pour la gestion du blog
Ce qui ressort de manière générale est une forme de paradoxe : soit ces classements en font trop et catégorisent de manière large des blogs ayant des rapports ténus entre eux. Soit, ces classements ne sont pas assez développés, ne proposent pas assez de critères et de catégories.
Un aspect intéressant qui est ressorti de ces entretiens est la notion de « légitimité » liée au blog. Un blog légitime doit (selon certains interviewés) déjà être reconnu avant d’apparaitre dans le classement. Il doit déjà s’appuyer sur certaines pratiques (citer ses sources, travailler le design de son blog, produire de l’expertise) pour atteindre cette légitimité… Bref, un classement se doit d’être le reflet de la légitimité d’un blogueur, pas un moyen d’y accéder.
Au niveau de ce que peut apporter un classement comme Wikio, très clairement pour les interviewés il s’agit : de visibilité et de notoriété. Le classement perdrait donc en intérêt s’il n’était pas médiatisé ? Dans tous les cas, ce type de classement permet de se positionner dans une communauté, d’identifier son expertise en se comparant à celles déjà existantes.
Dernier point intéressant : la notion de jeu ou de challenge. Si les interviewés connaissent en partie les critères d’évaluation du classement, alors ils peuvent jouer avec. A partir de là, les dispositifs d’évaluation sur le web (auxquels on pourrait ajouter sans trop se risquer Klout par exemple) ne sont pas une fin en soi, ou des outils qui dictent les comportements, mais des indicateurs du niveau d’implication des blogueurs dans la « blogosphère ». Suivent-ils les « règles du jeu » ? Les détournent-elles ? Peu importe, le classement perd ainsi en crédibilité (si on connait le fonctionnement, alors on peut le détourner), et l’apport qu’il offre aux blogueurs se limite à leur envie de jouer avec… ou pas ! Notons d’ailleurs que si Klout grade son algorithme secret, c’est peut-être aussi pour éviter ce type de détournements.
Pour conclure, et hormis quelques avis tranchés soulignant par exemple que les classements amènent à une certaine médiocrité du web, les blogueurs interviewés reconnaissent tout de même l’utilité d’un tel classement puisqu’ils proposent tous des moyens de l’améliorer.
Si cette étude est donc réduite et exploratoire, il parait intéressant d’en développer d’autres du même type (et plus large) afin de (re)penser des formes d’évaluation plus en adéquation avec ce que les évalués en attendent. Et non pas seulement ce que pourraient en faire les utilisateurs (agences, annonceurs ou même lecteurs).
Et vous, comment percevez-vous des classements comme Wikio ? Quelle utilité d’évaluer nos actions sur le web ?!