De nombreux discours sur l’e-réputation se concentrent sur les commentaires/avis négatifs. Cette vision binaire parfois étonnante, négatif = mauvais, positif = ce que l’on cherche à atteindre, exclue souvent tout l’intérêt que ces commentaires jugés comme négatifs apportent à une organisation. Voyons rapidement pourquoi…
Tout d’abord, il est important de rappeler que rien n’est négatif ou positif en soit, ce n’est qu’une question de perception. Perception basée sur l’image voulue par une organisation pour ses produits/services, image qu’elle retrouve ou non dans les avis exprimés sur le web (à condition bien entendu qu’elle définisse clairement cette image voulue). Difficile aussi d’extrapoler sur la perception que l’internaute en aura, sauf si celui-ci l’exprime clairement.
Au final, ces commentaires/avis qui peuvent paraitre négatifs et critiques sont (et on peut en débattre) une vraie valeur ajoutée pour une organisation. Voyons très synthétiquement pourquoi…
Un commentaire négatif permet de s’améliorer : ce n’est pas parce que vous avez pensé que votre produit ou votre campagne de communication auraient tel ou tel impact que cela va arriver. Le fait que des internautes critiquent votre produit/service va vous permettre de l’améliorer. Il serait illusoire de croire que le web va reproduire le même type d’acceptation passive que les médias « classiques ». Au contraire, ces critiques expliqueront peut-être par exemple le faible chiffre de ventes.
Du point de vue d’une innovation technologique ou d’usages, les avis jugés comme négatifs, ou remettant en question l’innovation en elle-même, peuvent être considérés comme une forme de béta test grandeur nature : l’objectif est alors d’améliorer ce que les internautes soulignent. Et comme la communication virale à tendance à s’adresser aux geeks, ces avis ne sont pas forcément ceux de vos clients mais de personnes souvent spécialistes d’un domaine lié à votre innovation. Ils sont donc souvent un vrai plus pour affiner certains aspects et corriger certains défauts.
Un avis négatif peut être un levier d’achat : si l’on recherche des avis sur le web, c’est souvent pour se rassurer ou pour y retrouver ce que l’on croit savoir (théorie de l’horoscope : je cherche confirmation que quelque chose de bien ou de mal va se passer, en fonction de mon humeur). Et comme rien n’est parfait, il est parfois rassurant de voir qu’un produit/service ou même qu’une marque aux valeurs affirmées ne plaisent pas à tout le monde. Cela permet à un acheteur potentiel déjà attiré par votre offre (sinon il ne chercherait pas à en savoir plus) d’évaluer si les défauts pointés du doigt par d’autres consommateurs vont être pénalisant pour lui, ou si au contraire ils ne sont que marginaux.
Mais aussi de se positionner face à une communauté (sociale) à laquelle il veut se rattacher ou s’opposer. Comme le soulignait d’ailleurs Jules Renard à son époque : « C'est quelquefois la critique d'un critique que nous n'aimons pas qui nous fait aimer le livre critiqué. »
Les avis négatifs sont en quelques sortes un critère de différenciation important pour une organisation. Ils ouvrent la voie vers l’identification de communautés de consommateurs, délimitent les réticences face à un produit/service/marque en fonction d’une typologie d’internautes. Plus les avis sont tranchés (supporters VS critiques), plus vous pouvez évaluer la segmentation de vos « cibles ».
Les commentaires négatifs peuvent amener au débat. Et c’est tant mieux, car cela vous permet aussi d’identifier les personnes qui vous soutiennent. Et surtout, de réfléchir à des argumentaires efficaces pour votre prochaine campagne de communication. Trop d’avis consensuels apportent peu, et il cognitivement plus aisé d’accepter passivement une affirmation que de la réfuter.
De plus, les commentaires négatifs sont parfois une perche tendue vers les organisations pour une ouverture au dialogue. Si tout le monde est d’accord avec vous, à part remercier, il y a peu de raisons d’échanger.
Avoir un avis négatif ne veut, par contre, pas dire « troller ». Un commentaire négatif ne signifie bien entendu pas « diffamation » ou propos hors-contextes visant seulement à créer « une émeute virtuelle ». D’où l’intérêt, si l’on parle de gestion de communautés web ou de modération, de définir clairement une charte de ce qui semble acceptable ou non dans un débat. Mais là aussi, encore une fois, le troll peut avoir du bon (si, si) : il permet de définir, pour une communauté que vous animez, quels sont les propos/idées ou les voies dans lesquelles ne pas s’engager au risque d’être vite débordé.
Globalement, les commentaires négatifs permettent de mesurer l’impact de vos actions et de votre message. Si l’on parle d’e-réputation et d’opinions, les commentaires descriptifs on peut d’intérêt hormis souligner que votre message est visible et relayé (ce qui est déjà pas mal me direz-vous). Les commentaires négatifs soulignent eux une forme d’engagement, l’on a porté de l’attention à votre message, même si cela est ironique, et surtout les internautes ont développé ce que beaucoup recherchent et peu trouvent sur le web : de l’interaction. Alors effectivement, mieux vaut être soutenu que contredit, mais cependant (et encore une fois) définir son positionnement sur le web ne se fait pas en une seule campagne (d’ailleurs si l’on parle de gestion il serait intéressant de sortir du « mode campagne de communication »). Les commentaires/avis négatifs ou ironiques montrent le chemin à suivre pour optimiser au mieux ses prochaines actions, et définir un objectif précis : attirer l’attention tout en orientant les discours vers l’image voulue par l’organisation.
Enfin, un « bad buzz » est un buzz quand même… Si votre seul objectif était de gagner en visibilité, les commentaires jugés comme négatifs sont là pour vos rappeler que l’opinion est la partie importante d’une stratégie d’e-réputation. Gagner en notoriété est une chose, être en adéquation avec l’image que l’on souhaite projeter en est une autre…. De plus, une critique est parfois un « signal faible » permettant de détecter une possible crise.
Au final…
L’objectif n’est bien entendu pas de dire que les commentaires que vous jugez négatifs sont le résultat à obtenir. Mais plutôt de souligner que, parfois, ce qui peut vous paraitre négatif est en fait une piste vers une amélioration de votre stratégie. Si le web à tendance à favoriser la critique, ce n’est pas pour autant que celle-ci doit être rangée dans un coin avec la mention « n’ont rien compris au message ».
Ce rapide rapport d’étonnement vise donc à faire remarquer que la négativité n’est pas toujours synonyme de « non-constructif » (même si cela est sa définition même). Au contraire, une critique constructive apporte souvent bien plus en termes d’image et de définition d’une stratégie qu’un avis positif peu étayé.
D’ailleurs, il serait intéressant de réfléchir à la définition même que l’on donne à « négatif » : est-ce dans le sens de « critique » (orientation prise dans ce billet) ? de non-constructif ? de contraire à la vérité (mais laquelle, celle de l’organisation) ?
Le tout étant de définir clairement ce que l’on juge négatif (et surtout jusqu’à quel point), et de se questionner sur la manière dont ces critiques peuvent être intégrées à l’évolution de votre marque/produit/service. Car si le web dit social permet notamment une chose intéressante en terme de réputation, c’est la co-construction de celle-ci avec les internautes, l’aspect négatif, ironique ou critique en faisant partie intégrante.
Et vous, comment appréhendez-vous les avis négatifs ou critiques ? En quoi servent-ils votre stratégie d’e-réputation ?