Blog traitant de l'E-Réputation et des moyens de la surveiller : outils, méthodes, actualités... Venez faire vos courses chez nous!
Et plus précisément ma thèse de doctorat en sciences de l’information-communication soutenue le 02 juillet dernier (et que j’ai mis du temps à mettre en ligne) :-) Celle-ci articule trois parties : l’une sur les aspects théoriques et le web social, la deuxième sur la réputation et l’e-réputation, et la troisième sur les « agents-facilitateurs », acteurs de la recommandation d’information en ligne.
J’en ai peu parlé sur ce blog, mais ce travail de recherche mené durant trois années au sein de La Poste a permis l’éclosion de pas mal de billets sur CaddE-Réputation. Soutenue en juillet dernier, avec pour jury Serge Agostinelli, Madjid Ihadjadene et Louise Merzeau, et pour directeurs Christian Marcon et Nicolas Moinet, cette thèse est l’aboutissement (autant que le début) de nombreuses réflexions à la fois sur la réputation et l’e-réputation, mais aussi sur la veille et ce que certains nomment la curation prescription en ligne.
Avant de vous présenter globalement chaque partie et apport, voici les liens pour la lire :
==> La thèse en version PDF : Processus de veille par infomédiation sociale pour construire l'e-réputation d'une organisation. Approche par agents-facilitateurs appliquée à la DSIC de La Poste
==> Et avec la présentation sur TEL
Première partie : le web social et des théories
Je ne pourrai pas résumer 590 pages (hors-annexes) sur ce blog. Je vais donc me concentrer sur les principaux apports, et vous laisserai aller piocher où bon vous semble ensuite.
Dans mon premier chapitre je reviens sur ma stratégie de recherche : inductive modérée (je pars du terrain pour produire des réflexions, mais je me laisse le droit d’émettre certaines hypothèses préalables), une approche compréhensive teintée de complexité, une posture constructiviste ainsi qu’un regard phénoménologique, et la place du numérique dans ma recherche (blog, Twitter et open access).
Dans ce chapitre, je formule ma problématique centrale : une stratégie de veille s’appuyant sur les pratiques d’infomédiation des internautes peut-elle permettre de capter les signaux informationnels participant à la construction de l’e-réputation d’une organisation ?
Dans mon deuxième chapitre, je reviens sur les aspects théoriques et épistémologiques nécessaires à mon travail : les théories de l’information (particulièrement l’autorité informationnelle), les théories de la communication (la médiation, spécifiquement documentaire), les théories du document (redocumentarisation et navigation sociale), l’intelligence économique (et son apport pour la prise de décision), le constructivisme (comme prisme d’analyse) et la phénoménologie sociale (aussi comme prisme d’analyse).
Enfin, dans mon troisième chapitre, je propose une revue de littérature critique des recherches sur le web social : recensement des critiques concernant le web dit 2.0, proposition d’une typologie des « médias sociaux », analyse des nouvelles « sociabilités numériques » (extimité, capital social, etc.), description et définition de la notion de « communauté web », mise en avant de ce que l’on nomme les « industries de l’attention » (et comment elle la capte, l’attention), retour (détaillé) sur la notion d’identité numérique et son apport dans la personnalisation de l’information numérique, la place de la prescription d’information sur le web, et enfin la notion de buzz « viralité ».
Rien de révolutionnaire ici mais, je l’espère, une synthèse solide de ces sujets.
Deuxième partie : de la réputation à l’e-réputation
Cette partie est composée de deux chapitres. Le premier est dédié à la réputation des organisations. Après une revue de littérature sur cette notion dans le champ des sciences humaines (économie, sociologie, gestion, etc.), je propose de détacher la réputation de la notion d’images (mentales), afin de l’approcher par un prisme informationnel et plus « rationnel » visant à faciliter les prises de décision.
Pour cela, je propose de l’aborder d’une part par les différents apports théoriques de ma première partie (intelligence économique, théories du document, phénoménologie, etc.), mais surtout par les concepts d’opinion et d’évaluation. La réputation devient alors une méta-opinion, une opinion sur l’opinion des autres. L’évaluation collective des dites opinions amène à les agencer (mise en visibilité, opinion « dominante », connaissance partagée) afin de déterminer ce qu’est ou n’est pas la réputation d’une organisation (et la manière dont « l’on se doit » d’interagir avec l’organisation par la suite). Plus précisément j’en donne la (courte :-)) définition suivante :
La réputation est une méta-opinion issue d’actions communicatives intentionnelles d’évaluation de l’être et de l’agir d’une organisation au sein de groupes d’individus. Elle permet une forme de médiation entre ces entités. Les opinions constitutives de la réputation des organisations se forment à partir d’informations filtrées par des médias ou des individus que leur autorité informationnelle établit comme référents de l’opinion exprimée. La réputation induit un mécanisme d’agencement des opinions structuré par le développement de marqueurs réputationnels dont la documentarisation comme empreinte mémorielle permet une commensuration, et in fine l’établissement d’indicateurs. L’organisation ne peut appréhender la réputation comme objet global, mais doit la considérer comme une co-naissance, une connait-sens et une connaissance, propre à chaque individu ou groupe et reflétant une réalité qui lui est propre : l’organisation a des réputations. En tant qu’informations stratégiques, ces réputations peuvent s’inscrire dans un processus rationnel limité de prise de décision et reposent alors sur la confiance que l’organisation accordera aux évaluateurs.
Suite à cela, je m’attaque dans mon cinquième chapitre à l’e-réputation. Tout d’abord, je déconstruis les discours de praticiens : définitions, pratiques types (toujours les mêmes…), idéologies (nettoyage, opinion neutre, etc.), indicateurs et marché en constante évolution.
Je propose ensuite une revue de littérature scientifique sur le sujet (cf. mon historique sur ce blog), avant de m’intéresser à la transposition « réputation => e-réputation ». Ce qui m’amène (je raccourcis, hein) à définir un processus de formation de l’e-réputation prenant en compte les actions de médiation et de prescription de l’information effectuées par des « filtres » (internautes et algorithmes des systèmes). Le tout avec un joli (mais complexe) schéma pour expliquer cela (p. 314).
De même, je propose un modèle théorique de gestion de l’e-réputation, construit à partir de mes constats, réflexions, observations et pratiques types proposées par les professionnels (p. 318). Enfin, je donne une définition info-communicationnelle de l’e-réputation d’une organisation :
Par le prisme des organisations, l’e-réputation peut être abordée comme une information stratégique constituée de l’ensemble des indicateurs issus de la commensuration des interactions intentionnelles endogènes ou automatisées des communautés virtuelles avec l’organisation : productions d’opinions, notations ou encore agir des publics. Ces indicateurs forment le paysage réputationnel de l’organisation et deviennent alors des marqueurs prescriptifs, appuyant la redocumentarisation et la contextualisation de sa présence numérique, autant que des connaissances partagées sur l’organisation par des communautés spécifiques. Le paysage réputationnel de l’organisation sur le web participe ainsi à son autorité réputationnelle et aux actes de médiation avec ses publics.
Troisième partie : production d’un dispositif de veille par agents-facilitateurs
Dans cette partie je présente mes actions de collecte de données. Le sixième chapitre revient sur la veille (classique) effectuée à La Poste pour un produit numérique (Digiposte). Je commence tout d’abord par présenter les entretiens réalisés avec des dirigeants de l’entreprise afin de déterminer la vision qu’ils ont de La Poste : étape essentielle selon-moi pour favoriser ensuite l’analyse et l’interprétation des informations collectées (et ne pas seulement compter les likes et les RTs)…
La collecte de données par un processus classique de veille m’amène à un constat central : plus que la production d’opinions ou d’informations « originale » (articles de blogs par exemple), il s’agit surtout de reprises, de prescriptions et essentiellement sur Twitter. Arrive alors la question : à quoi servent, et que faire de tous ces relais d’information ?
Dans mon septième chapitre je décide donc d’étudier ces internautes prescripteurs, et ce à partir de l’observation d’une centaine de comptes et avec une quarantaine de critères. J’observe ainsi qu’ils font ce que certains nomment de la « curation » (je préfère largement « infomédiation sociale »), qu’ils facilitent l’accès à l’information pour des communautés données. Et, surtout, qu’en remettant en contexte les documents qu’ils prescrivent ils offrent à l’organisation la capacité de mieux interpréter les informations la concernant, et ce par le prisme de leurs publics (aspect phénoménologique).
Je nomme ces internautes prescripteurs des agents-facilitateurs et je les définis ainsi :
L’agent-facilitateur est un infomédiaire social dont les pratiques informationnelles et l’autorité réputationnelle font de lui un filtre de l’information et du document dans des communautés thématiques. Ses activités principales sur un RSN reposent sur la collecte, la sélection, la mise en contexte par redocumentarisation et la recommandation de documents numériques. Son autorité agit comme un marqueur réputationnel et prescriptif assurant la légitimité des informations qu’il recommande. Il participe ainsi à la construction de connaissances valides pour une communauté donnée.
Ce qui m’amène au passage à proposer le concept « d’autorité réputationnelle » : l’autorité réputationnelle peut être vue comme l’autorité définie par la présence numérique d’une entité sur le web. Cette autorité ne vise pas seulement à observer ou valider un processus de « création » ou de traitement de l’information, mais à valider un processus de recommandation de celle-ci.
Pour finir, dans mon huitième chapitre, je recentre sur ma problématique : comment intégrer ces agents-facilitateurs dans un dispositif de veille pour « construire l’e-réputation » ? Soyons bien d’accord, par construire l’e-réputation j’entends : la manière dont l’organisation va elle-même définir sa propre réputation en ligne (et plus globalement sa réputation), soit la construction de cette connaissance qu’est la (e)réputation.
Autrement dit, je propose, à l’aide des agents-facilitateurs, une approche proactive de la gestion de l’e-réputation : plutôt que diffuser pour ensuite corriger, mon dispositif vise à faciliter l’acculturation des collaborateurs, à leur permettre de définir à l’avance ce qui va créer débat ou non, et la manière dont les informations concernant une thématique liée à l’organisation vont être recommandées et traitées par les publics de l’entreprise. Et ce, par un dispositif opérationnel applicable à n’importe quelle entreprise…
Comme je le souligne en conclusion : Plus que vouloir être « dans la tête » des publics, notre approche montre l’importance d’être à « leur place » afin de pouvoir interpréter et agir en fonction de leurs opinions et actions. (…) Notre dispositif de veille par agents-facilitateurs permet cette construction [de l’e-réputation] en offrant à l’organisation : une observation de son environnement par le prisme des internautes ; un filtre collectif, contextuel et endogène de l’information qu’elle collecte ; des informations stratégiques quant aux actions à effectuer pour la gestion de son e-réputation ; ou encore la possibilité d’optimiser la veille ordinaire de ses collaborateurs tout en leur permettant de s’imprégner de l’environnement des internautes.
Au final…
Au-delà des remerciements présents dans la thèse, je tiens à vous remercier, vous lecteurs de ce blog. C’est grâce notamment aux diverses interactions que j’ai eu avec vous que j’ai pu construire ma réflexion, et ainsi obtenir ce doctorat avec les félicitations du jury !
Ce travail est en construction (la thèse n’est pas un aboutissement mais un commencement), et j’espère que les réflexions proposées ici pourront être utiles autant aux enseignants-chercheurs, qu’aux professionnels et étudiants… Mais ça, c’est à vous de me le dire ?!