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Sur le web la plupart des professionnels ou outils cherchent l’influence : des contenus, des internautes… Mais
l’intégration progressive des attributs de l’identité numérique des internautes dans la hiérarchisation des informations produites sur les plates-formes web amène à ne plus que questionner en
termes d’influence mais d’autorité.
Vous l’avez surement remarqué, mais Google intègre de plus en plus (grâce notamment à Google+) l’identité des auteurs des contenus qu’il vous renvoi dans ses pages de résultats :
Sans pour autant être connecté à Google+. Et ce n’est que le début, car l’un des développements les plus intéressant du web cette année apparait comme l’intégration de l’AuthorRank par Google (annoncé d’ailleurs dès 2011, mais déployé vraiment en 2012).
Cette focalisation sur l’auteur plutôt que sur le contenu n’est pas neuve en soi : comme le précise Oliver Ertzscheid, le PageRank a toujours mesuré des auteurs plus que des pages. Dans son billet, il précise ensuite que plus que « l’influence », c’est de l’autorité de l’auteur qu’il est question. De plus, et comme je le signale régulièrement : l’influence est subjective et son acceptation sur le web est synonyme d’audience/médiatisation/diffusion, et non pas « d’influence sociale ».
Alors en quoi cette intégration des attributs de l’identité numérique d’un auteur de contenu participe-t-elle au développement de cette autorité ? Pourquoi définir l’autorité répond mieux à certaines stratégies que « mesurer l’influence » ? Voici quelques réflexions sur le sujet…
La quête de "l’influence" : un défi insurmontable ?
Influence, influencé, influenceurs… Les mesures de l’influence sur le web proposées par les professionnels sont nombreuses : quantitatives ou qualitatives elles reposent nécessairement sur ce que les plates-formes veulent bien donner. Comme le soulignent Boullier et Lohard dans leur ouvrage « Opinion minning et sentiment analysis » (accessible intégralement en ligne) influencer répond à plusieurs mécanismes : attirer l’attention, attirer de l’audience, susciter la conversation, orienter la discussion ou encore faciliter la circulation d’une expression ou d’un contenu.
Mais dans tous les cas, des limites apparaissent vites : les indicateurs fournis par les plates-formes sont rarement à la même échelle, ces indicateurs varient constamment, les algorithmes qui les traitent aussi (comme Google, ses pandas et autres pingouins), ils sont rarement prédictifs et prennent de la valeur après l’action effectuée. Mais surtout, l’influence est une construction, c’est pour cela que l’on parle « d’indicateurs » : on s’oriente par rapport à la supposition que tel ou tel individu va répondre à des objectifs que l’on s’est fixé (si l’on veut s’appuyer sur cette dite influence), en fonction de ses propres référents ou attentes.
Pourtant, le « standard de l’influence » qu’est Klout a le vent en poupe. Au-delà de l’estime de soi qu’il permet (« t’as vu mon Klout ») il me semble qu’il répond à une question essentielle : comment « commensurer » (soit traduire des indicateurs qualitatifs en mesures quantitatives) l’activité d’un internaute sur le web ? Et ce à partir certes de son activité (volume et types d’échanges par exemple), mais aussi des attributs de son identité numérique.
L’identité numérique peut être abordée schématiquement comme le regroupement de trois types d’identités en ligne : l’identité déclarative (les informations que je mets en ligne), l’identité agissante (ce que je fais, mon activité) et l’identité calculée (ce que les plates-formes produisent à partir des deux premières). Klout joue moins sur l’identité agissante (qui est peu pérenne et difficile à computer) que sur la redocumentarisation (le calcul et la mise en contexte schématiquement) de l’identité calculée. Ce faisant, il produit des indicateurs réputationnels : la réputation est un calcul qui, pour les économistes notamment, est facteur de confiance dans les relations. Klout génère alors des « marqueurs » de réputation qui font favoriser ou non les relations que l’on aura avec l’entité évaluée (spécialement pour les entreprises qui cherchent de « l’influence », mais surtout des relais venant rendre crédibles leurs discours). Klout (et consorts) est donc moins un marqueur d’influence que d’autorité, et spécifiquement d’autorité réputationnelle donc.
Mais là où l’AuthorRank va plus loin, c’est en produisant des classements à partir de l’ensemble des attributs identitaires en ligne d’un internaute : les informations qu’il met à disposition sur lui, son agir, sa notoriété, sa position dans un réseau ou un groupe, les indicateurs déjà produits à son encontre, etc. Ce faisant, il structure le web à partir de l’autorité des internautes, et en particulier à partir du calcul de leurs identités numériques et des différents attributs qui les composent.
L’ensemble des critères qu’il prend en compte se retrouvent alors en partie dans le concept d’autorité informationnelle…
De l’autorité informationnelle à l’autorité réputationnelle ?
Plusieurs types d’autorités existent. L’influence est par exemple à rapprocher de l’autorité cognitive : elle repose sur l’influence de pensée entre deux individus (qui influence qui ?), et s’appuie là-aussi sur la crédibilité et la réputation (comme Klout donc en partie).
La chercheuse Evelyn Broudoux, pour pallier notamment à cette seule notion d’autorité cognitive, propose le concept d’autorité informationnelle. L’idée est ici de se focaliser non pas sur la manière dont un individu va influer sur le comportement d’un autre individu, mais sur le processus qui va permettre de mettre en forme (in-former) pour renseigner quelqu’un sur quelque chose.
Force est de constater que l’intégration de l’identité numérique des auteurs aux résultats des moteurs de recherche vient répondre à cette volonté de « renseigner sur » et de mettre en forme : si vous devez choisir cette information, c’est parce que le processus qui l’a mis en visibilité repose sur une sélection d’attributs identitaires significatif de plusieurs types d’autorités constitutives de l’autorité informationnelle. Soit, selon Broudoux (et remixé pourle web) :
==> L’autorité énonciative : la notoriété ou encore l’expertise telles qu’elles sont couramment mesurées sur le web ;
==> L’autorité institutionnelle, que l’on peut transposer aux règles de fonctionnement des plates-formes (qui est administrateur, modérateur, qui a le droit de faire quoi et autres CGU). Comme Google qui va édicter ce qu’il est bon de faire ou non en termes de référencement sur sa plate-forme ;
==> L’autorité du support : sur le web nous pouvons alors parler de popularité (d’un blog par exemple, avec les critères classiques mettant au centre les liens entrants) ;
==> L’autorité du groupe, soit la place de l’auteur dans les réseaux ou communautés dans lesquelles il évolue (les « cercles » pour Google par exemple).
Si nous rajoutons à cela l’autorité issue des différents calculs de l’identité numérique des internautes, nous pouvons alors parler d’autorité réputationnelle : elle vient donner forme sur le web à l’ensemble des opinions et informations portant sur une entreprise (un individu ou un fait) en les structurant, leur donne du sens (pour la communauté qui les produits) et en permet de les hiérarchiser.
Et concrètement pour la gestion de l'e-réputation ?
Comme je l’expliquais à l’ISCC, l’e-réputation est plus un ensemble d’attributs (d’indicateurs) attachés à la présence numérique d’une organisation, qu’une image ou une perception (de manière très rationnelle). Le fait que des plates-formes comme Google s’appuient sur l’autorité réputationnelle des internautes pour produire des classements de contenus doit alors questionner les entreprises : en quoi l’autorité d’un internaute qui prescrit mon contenu ou le discute vient renforcer ou non ma propre autorité ? Car c’est de cette autorité qu’acquerra l’entreprise par sa présence que dépendra sa capacité à gérer son e-réputation : pour faciliter la prescription de contenus, pour les médiatiser, pour les rendre crédible, pour favoriser les relations avec son public (but premier d’une « bonne réputation »).
Plus que mesurer la possible capacité d’un internaute à médiatiser du contenu (ce que l’on entend donc généralement par « influence ») ou à générer de l’audience, il me semble que les entreprises ont tout à gagner à reformuler cette question, et à se poser la suivante : en quoi l’autorité réputationnelle d’un internaute va participer à la structuration de ma présence en ligne ? Ainsi que nous l’avons vu, cette autorité de l’internaute participe à la structuration du web globalement (ou tout du moins de l’information sur certaines plates-formes). Si l’influence consiste à capter l’attention des internautes, les indicateurs réputationnels signes d’une autorité vont permettre à l’entreprise d’orienter l’attention des internautes : en structurant son environnement informationnel (ce qu’elle produit) par l’appui de l’identité numérique des internautes (et de l’autorité qui s’en dégage), l’entreprise va orienter l’attention des internautes vers ce qu’elle veut leur faire voir (ou pas).
Qui plus est dans un web de plus en plus « en bulles » où la visibilité des contenus est segmentée en fonction des diverses « liaisons numériques » qui unissent les internautes. L’entreprise va alors devoir évaluer la manière dont les diverses autorités qui forment l’autorité réputationnelle de l’internaute lui permettent de participer à la hiérarchisation des contenus sur le web. Car en utilisant l’identité numérique d’un internaute comme facteur de pondération des résultats, les plates-formes produisent du sens : elles remettent en contexte l’information concernant l’entreprise. Et in fine son identité (pour ne pas parler « d’image » qui est propre aux perceptions de chacun).
Pragmatiquement, des plates-formes comme Aliaz donnent une vue d’ensemble de la présence d’un internaute. Il devient alors plus aisé de s’interroger, et surtout d’observer : sa notoriété (volume de citations par exemple), la manière dont il répond aux règles des plates-formes, la popularité des supports sur lesquels il s’exprime, son positionnement dans une ou plusieurs communauté (analyse des réseaux), ainsi que les attributs identitaires qui vont participer à différents calculs (son volume de followers, de like, etc.).
L’entreprise doit alors analyser : la façon dont ces différents critères sont intégrés et « computés » par les algorithmes des plates-formes. Et surtout (puisque ces algorithmes fonctionnent en « boite noire » et changent constamment) le sens, c’est-à-dire la mise en contexte, que ces critères et attributs identitaires donnent aux informations diffusées : crédibilité, expertise, confiance, etc.
Au final, cette question de la place de l’identité numérique et des nouvelles formes d’autorités qui en découlent mériterait un très
large développement (ce que je suis en train de faire mais pas sur ce blog ). J’essaierai de revenir un peu plus tard
sur des éléments plus pratiques d’évaluation. Ce que j’essayais surtout de dire ici peut se résumer ainsi : l’influence comme capacité de diffusion à moins d’importance pour la
gestion de son e-réputation que l’autorité comme structuration et mise en contexte des informations. Autorité de plus en plus dépendante de l’identité numérique des internautes…
Et vous, comment intégrez-vous ces modifications ? Quelle place donnez-vous à l'autorité des internautes dans vos stratégies,
et comment l'identifiez-vous ?!