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S’il est toujours difficile de réaliser un exercice prospectif sur l’évolution de pratiques professionnelles et d’un métier, il n’est pas impossible de souligner
certaines grandes tendances. Dans le cas de la veille, il parait intéressant de se concentrer sur le développement de certains usages plus que de technologies. En l’occurrence, il n’est pas
insensé de penser que d’ici les deux ou trois prochaines années à venir, certains usages propres au web redéfinissent la mise en place de stratégies de veille. Voyons comment…
Cet article est issu du livre blanc collaboratif sur la veille !
Cet article se concentrera particulièrement sur les aspects web de la veille, avec un soupçon de gestion de la réputation en ligne (qui n’est déjà plus une tendance mais une pratique avérée). De manière synthétique seront mis en exergue les points suivants :
==> La veille sur le web nécessite de plus en plus de s’approprier les méthodes de gestion des réseaux (sociaux, numériques ou non)
==> Le filtre de l’information devient de plus en plus humain, que ce soit par le biais du social search ou de ce que l’on nomme la « curation »
==> La temporalité de la veille en organisation s’élargie : de la mémorisation nécessaire à la prise de décisions sur le long terme à la réactivité quasi temps réel des activités de social CRM, la qualification des sources et de l’information devient un enjeu cruciale
==> De nouveaux métiers intègrent la veille de manière quotidienne dans leurs pratiques, le spécialiste de la veille (le veilleur) voit donc son rôle devenir de plus en plus managérial
==> Enfin, au niveau business, l’apparition de nouveaux prestataires toujours plus nombreux ne risque-t-elle pas d’entrainer une certaines normalisation des pratiques ? Voir la mise en place par des « géants du web » de plateformes tout en un dédiées à leurs services ?
L’idée étant de vous faire partager certaines réflexions sur les possibles évolutions à prendre en compte afin de penser dès aujourd’hui la veille de demain…
La veille vient du réseau et retournera au réseau ?
S’il fallait faire un très bref historique de la veille nous pourrions nous arrêter quelques instants sur l’apport de l’intelligence économique dans ce domaine. Issue du renseignement humain (étatique plus précisément) la recherche d’informations s’est toujours concentrée sur le réseau humain. Réseau de sources scientifiques, industrielles, politiques… Quel meilleur moyen d’obtenir une information à valeur ajoutée (entendez que personne n’a ou tout du moins qui est difficilement accessible) que de passer par l’émetteur même de cette information ?
Là où les pratiques documentaires ont amené la veille vers la recherche et la surveillance d’informations sur des grandes bases de données structurées, le développement des réseaux socionumériques (pas la peine de revenir ici sur ce phénomène) permet dans un certain sens le mix des deux : la création de bases de données en réseaux où l’humain est le principal émetteur et participe de manière organique à l’indexation des données.
Aujourd’hui, parmi les professionnels de la gestion de l’information, qui n’a pas un compte Twitter/Facebook/Viadéo ou autre ? Qui ne s’en sert pas un minimum pour obtenir de l’information liée à son domaine d’étude ? Ce constat évident amène à s’interroger sur les pratiques de veille à venir. Pratiques qui devront faire appel non seulement à celles déjà existantes et issues de la recherche documentaire, mais aussi à celles liées à l’animation et la gestion des réseaux humains.
Un compte Twitter (exemple à la mode) servant à la veille (de réputation ou autre) ne nécessite pas simplement de s’abonner à d’autres comptes trouvés grâce à une requête sur un moteur de recherche. Le développement de la recommandation sociale, de la prescription numérique, est certes généralement basé sur un algorithme mais puise de plus en plus sa force dans des actes purement sociaux et humains. Si vous pouvez rapidement obtenir des informations à valeur ajoutée, voir des « signaux faibles » par l’utilisation de Twitter sans pour autant entrer en interaction, il y a un constat que l’on ne peut ignorer : le fait d’échanger avec ses contacts, de se faire connaitre, de développer une certaine connivence permet toujours d’obtenir plus d’information.
Comme lorsque vous vous rendez sur un salon ou dans une conférence, discuter avec les intervenants permet d’affiner les réponses que l’on est venu chercher, d’obtenir des informations moins structurées mais parfois avec plus de valeur ajoutée. Le web fonctionne lui aussi de plus en plus de cette manière. Veiller de l’extérieur permet évidemment une prise de recul toujours nécessaire… Mais s’intégrer à des réseaux (ou des communautés), mettre en avant clairement sa « carte de visite numérique », manager ses contacts pour obtenir en avant-première certaines informations vont devenir au fil du temps des pratiques inhérentes à toute activité de veille.
Et qui plus est si l’on parle de réputation en ligne où la fragmentation et la diminution de la porosité entre chaque réseau/communauté risque de diminuer l’accès à la matière première de ce type de veille : la conversation.
Vers des filtres humains : recherche sociale et curation ?
Les conversations d’internautes, la sélection/qualification/éditorialisation de l’information par des identités numériques amène donc la veille sur le web à des approches plus centrées sur la gestion des réseaux de contacts.
Mais, d’un point de vue technologique, cette importance de la « métadonnée humaine » (l’internaute) voit apparaitre le développement de ce que l’on nomme le « social search ». Que ce soit Bing qui intègre Facebook à ses résultats de recherches, ou Google qui vous permet dès à présent de classer vos résultats en fonction de vos contacts sur les réseaux sociaux, cet apport de la recommandation sociale dans la recherche d’informations est une tendance à intégrer dès maintenant dans les stratégies de veille.
Tout d’abord, il est intéressant de noter que de nombreux outils (gratuits pour la plupart) intègrent cette idée de recommandation et de recherche sociale dans leurs résultats. Des méta-moteurs pour la plupart, ils mélangent (plus ou moins habilement) des résultats en provenance de réseaux sociaux avec des résultats plus « classiques ». Mais de nouveaux outils apparaissent, avec pour objectif de vous permettre de rechercher directement dans vos propres réseaux. Réseaux qu’il convient alors (comme dit précédemment) de constituer de manière stratégique en identifiant clairement vos contacts et ce qu’ils peuvent vous apporter en matière informationnelle.
Néanmoins, si l’on parle d’e-réputation, la recherche sociale peut dès maintenant poser certaines questions : si un internaute voit en priorité les contenus de son réseau, comment identifier ceux qui auront le plus d’impact sur lui ? Doit-on positionner un contenu en fonction des résultats d’un moteur de recherche unique, ou des pratiques d’un réseau en matière d’information ?
Ces différentes questions et cette nécessité de se tourner vers le réseau amènent alors à réfléchir sa veille non pas seulement en fonction des capacités d’un outil à agréger de l’information, mais aussi en fonction des identités sur un réseau pouvant faciliter l’accès à cette information (des « agents-facilitateurs » en quelques sortes). Et comme le marketing fait bien les choses, une catégorie d’usagers déjà existante sur le web a vu ses pratiques hissées au rang de « new billion-dollar opportunity » : les curators.
Pour ne pas s’appesantir sur le débat « curation réalité ou fiction », il est important de souligner que la sélection, l’éditorialisation et la diffusion d’informations à destination de communautés web existe depuis les premiers news groups sur Internet. Ce qui est intéressant avec cet enrobage marketing est que de nombreux éditeurs de logiciels amènent de nouveaux outils visant à faciliter (ou normaliser ?) ces pratiques.
Ce qui, d’un point de vue des stratégies de veille sur le web, ne peut être qu’un plus car cela permet d’identifier plus rapidement des relais utiles de l’information, et à intégrer dans son réseau de veille. Relais qui non-seulement sélectionnent l’information qui leur semble pertinente pour leur réseau/communauté (pratique pour évaluer des tendances), qui parfois contextualisent des données peu structurées, mais qui peuvent aussi être émetteurs de signaux faibles ou donner accès à des réseaux fermés.
Cependant, si ces pratiques de facilitation de l’accès aux contenus numériques par prescriptions s’avèreront de plus en plus utiles dans le cadre d’une stratégie de veille, elles amènent tout de même certains biais, dont les deux plus importants à prendre en compte sont : la redondance de l’information et la qualification des sources…
Qualification et mémorisation de l’information : des pratiques nécessaires ?
Si nous postulons donc que la constitution et la gestion de réseaux de contacts numériques, contacts dont la capacité à détecter et diffuser de l’information utiles s’accroit, est l’une des grandes tendances de la veille des années à venir, la question de la qualification de l’information devient cruciale.
Et, plus précisément si nous parlons de contacts, la qualification des sources doit être intégrée comme élément incontournable de toute stratégie de veille sur le web. Se constituer un réseau doit permettre, au-delà de dénicher des signaux informationnels faibles ou peu accessibles, de gagner en réactivité. Réactivité s’il est question de rumeurs, de départ de crises, de prises de décisions en « temps réel » (si cela s’avère possible)… Mais prendre une décision (même si elle basée sur une rumeur) implique d’être conscient du contexte dans lequel celle-ci est diffusée, et ce principalement pour en mesurer toute l’ampleur (surtout si l’on parle d’e-réputation).
Se questionner sur l’identité réelle de la source, son appartenance à une communauté, sa reconnaissance par un réseau, son niveau d’expertise sur un sujet, sa capacité à vérifier l’information, à émettre un jugement ou une critique, etc… est (ou deviendra) l’un des enjeux principaux des pratique de veille à venir.
Qui plus est quand l’organisation et la veille se retrouve de plus en plus tiraillée par deux temporalités opposées :
==> La nécessaire mémorisation d’une information de plus en plus en « temps réel » et redondante (notamment par les pratiques de curations et de recommandations). Information qui doit être mémorisée pour des prises de décisions à venir, toutes les organisations n’ayant pas la même agilité stratégique au niveau des prises de décisions. Ou tout simplement pour définir des stratégies (marketing, communication, concurrentielles, etc.) sur le plus long terme
==> La nécessaire réactivité inhérente aux activités en pleine essor de social CRM (gestion de la relation client par les réseaux sociaux). Le développement des postes de community managers visent notamment à répondre à l’attente des internautes d’une gestion en temps réel de leurs demandes et critiques, et s’accompagne de plus en plus de nouveaux outils de veille dédiées à ces pratiques.
Ces deux nouvelles formes de veille amènent non-seulement à une forme de qualification de ses contacts, des sources et de l’information de plus en plus précise (que doit on garder ? A qui doit-on répondre ?), mais aussi à s’appuyer de plus en plus sur l’ensemble des collaborateurs présents dans l’organisation.
Du veilleur au manager ?
Aujourd’hui « tout le monde » fait de la veille ?! De nombreux professionnels ont accès aux outils gratuits de recherches d’informations, intègrent des réseaux (numériques ou non), recherchent et traitent de l’information, sont spécialisés dans un domaine très particulier… De plus, le « tous producteurs » sur le web amenuise de manière paradoxale mais proportionnelle le « tous analyste ».
Difficile aujourd’hui, pour une seul personne ou un groupe de personne, de pouvoir analyser l’ensemble des informations collectées sur le web : avis clients, avancées technologiques, changements politiques ou géostratégiques… De les traiter en temps réel si cela est nécessaire, voir même de collecter l’ensemble de ces informations, tant la redondance et l’apparition de communautés et sources aux thématiques bien définies apparaissent sans cesse.
Le « veilleur unique » risque donc de devenir aussi obsolète que le « tous veilleur » dans une organisation est un mythe. Si le spécialiste de la veille et de la recherche d’information doit s’orienter progressivement vers l’identification et la gestion de réseaux externes (sur le web ou ailleurs), son rôle s’élargie aujourd’hui à l’identification et au management de réseaux internes.
Votre comptable n’est-il pas un « curateur » de contenus liés à votre dernier produit ? Votre nouveau stagiaire un utilisateur de Twitter spécialisé dans le droit des nouvelles technologies ? Votre commercial l’administrateur d’une page Facebook et d’un forum où se retrouvent certains de vos clients ?
Bref, cette nécessaire détection des sources utiles va devoir être appliquée à sa propre organisation, qui plus est si celle-ci s’oriente vers un fonctionnement en « entreprise 2.0 », favorisant ainsi l’accès aux technologies de collecte et traitement de l’information. Qui plus est si ces ressources sont rares (tout le monde n’aime pas ou ne peut pas être un veilleur potentiel) ou difficilement accessibles.
Le spécialiste de la veille va donc voir son rôle s’orienter vers le management des ressources informationnelles plus que la collecte et l’analyse de celles-ci. Que ce soit par la définition d’une stratégie et d’une méthodologie globale de veille, la mise à disposition de certaines expertises (technologiques par exemple) sur le sujet, le développement d’actions « pédagogiques » en interne, ou la mise au point de schémas de diffusion appropriées, la veille va affirmer de plus en plus sa nécessaire capacité à exister dans un projet globale et non pas seulement comme une activité se suffisant à elle-même.
La veille restera-t-elle un business florissant ?
Dernier point : le business.
Est-ce l’e-réputation, la démocratisation du web, la dématérialisation de nombreuses activités ?... Quel est le facteur qui amène le business de la veille à se développer autant ?
Le constat est là : explosion du nombre de prestations en veille, de plateformes professionnelles, de stages postes, etc.
La question est de savoir : jusqu’où et pour combien de temps ? Car s’il est difficile de miser sur une possible bulle de la veille (bien qu’une bulle 2.0 soit plus aisément
envisageable), il est tout de moins intéressant de constater une certaines propension à « normaliser » les pratiques de veille. De manière implicite de nombreux standards sont en train
de se développer, que ce soit sur les capacités des outils à analyser les sentiments, la qualification de ceux-ci en positif/négatif/neutre, la mise en place de « panels
représentatifs », etc. Normalisation qui, si elle permet à chacun de se positionner sur un marché (très) concurrentiel, risque à long terme de laisser passer un bon nombre de possibles
innovations en matière de technologies ou de pratiques.
Enfin, qui dit développement d’un marché, dit concentration (enfin en général). De nombreux éditeurs se font rachetés par des éditeurs plus gros, proposant ainsi des outils de plus en plus « tout en un » et « clés en main ». Qui nous dit que, dans les années à venir, Google ne développera pas sa propre plateforme de veille accessible à tous (la firme propose déjà un blog sur la recherche d’informations) ? Ou que Facebook et Twitter feront de même ? Et que l’un engloutira ensuite les deux autres ?
En résumé, quid du marché si florissant de la veille quand à force de se concentrer et orienter ses clients principalement sur ces trois outils web (Google, Facebook et Twitter), ces géants développerons leurs propres prestations sur le sujet ?
L’avenir (proche) nous le dira surement… ou pas !
Au final Madame Irma ?...
Nous aurions pu parler ici de l’affinement de l’analyse sémantique, de l’automatisation possible de la veille du futur, de l’apport de telle ou telle pratique sur l’évolution de la veille, voire pourquoi pas de l’arrivée de la TV connectée (son aspect asynchrone et ses multiples nouveaux émetteurs).
Le choix a été fait de souligner que si les technologies et leur démocratisation bouleversent sensiblement les activités de veille (et son métier), l’aspect humain reste et restera néanmoins le plus important dans les années à venir.
La réflexion, la connaissance du terrain et des récepteurs de l’information, la définition de méthodologies fiables, la gestion de réseaux sociaux numériques ou non, ont toujours été essentiels dans les stratégies de veille. Là où les technologies web semblaient faciliter voir écarter certains de ces aspects, il est intéressant de parier qu’à l’avenir elles ne feront que les renforcer.
Entre souhaits et tendances, ces 5 évolutions/adaptations possibles sont à réfléchir pour celles et ceux qui souhaitent préparer la veille sur/par le web de demain. A moins que la station Mir tombe sur les datas centers de Google, ou qu’un coup de pioche malencontreux nous ramène au Moyen-Age… Allez savoir !