Toutes les organisations ne sont pas productrices de soda aux couleurs du père noël… Toutes les marques n’ont pas une « identité » forte, un charisme numérique suffisant pour inciter de manière naturelle l’interaction sur le web chez leurs consommateurs. Et pourtant, ces marques (qui sont la très grande majorité) se lancent elles aussi sur le web, notamment dans la gestion de leur e-réputation, avec pour principal modèle certains géants industriels (américains of course), très (trop) souvent pris en exemple par les experts du « social media »…
Pour contextualiser ces propos voici l’histoire (fictive mais presque) de Marc, community manager (il préfère le terme plus approprié de « couteau suisse digital ») pour une entreprise conceptrice d’engins pour BTP (bétonneuses et autres grues).
La marque de Marc ne se démarque pas…
Marc est, à la base, webmaster. Il a été recruté par l’entreprise Engins & co il y a 5 ans pour mettre en place le site de l’entreprise, site devenu une « obligation » de part la vente de certains produits au grand public (enfin plutôt à un public averti de bricoleurs).
Avec l’avènement des médias dits sociaux, ses patrons lui ont fait comprendre très explicitement que l’entreprise se devait d’être présente sur ces nouveaux réseaux. En effet, ces mêmes patrons ont eu la chance d’être sensibilisés par un expert du domaine, qui leur a démontré (grâce à des exemples judicieux comme Dell ou Apple) que ne pas communiquer sur les réseaux sociaux aujourd’hui c’est comme « faire l’impasse sur la TV il y a 20 ans »…
Marc note déjà au passage que son entreprise ne fait pas de pub à la TV, mais bon, apparemment les médias sociaux sont plus accessibles et surtout (surtout) moins chers. Il décide donc de se former grâce à Google et les nombreux articles sur le sujet. Il prend d’ailleurs le titre de « community manager » afin de bien affirmer son nouveau rôle au sein de l’organisation.
De manière judicieuse, il décide tout d’abord de créer une présence sur le web 2.0. Pour cela il sort l’attirail du parfait webmarketer : page Facebook, compte Twitter, groupe Viadéo, etc. Seulement voila… Au bout de 2 mois, les chiffres tant attendus (voir venter sur certains blogs) ne sont pas là !
Il repense alors aux exemples qu’il a lu un peu partout sur le web, sur le volume de certaines pages Facebook tant prises pour exemple :
Marc fait au passage un premier constat : parmi les marques les plus "charismatiques du web", la plupart son liées à une
addiction physique : sucre, chocolat, caféine, sel, etc. Lui représente des outils de travail qui sont, au mieux, disséqués par des passionnés sur des obscures forums
spécialisés.
Marc fait alors appel à une agence qui lui fournit un « pré-audit »... En résumé, une analyse des médias sociaux lui montrant
que dans certains « territoires numériques » on parlait de sa marque, mais pas plus que ça (surtout de la thématique BTP)... Mais qu'au final, si on ne parle pas de sa marque c'est
parce que celle-ci n'est pas présente ! Marc se dit que le serpent se mord la queue : les internautes ne discutent pas de sa marque car elle n'est pas présente sur les réseaux sociaux, mais en
même temps qu'elle est l'intérêt d'y être si personne n'en parle ?!
Pourtant la marque de Marc a su se démarquer (il y a 4 ans) en mettant à disposition un site corporate relativement bien fait : tous les produits sont présents, un FAQ et une sorte de forum est là pour que l'on pose des questions, les dernières nouveautés sont mises automatiquement, et parfois même présentées en vidéos avec des "paroles de clients"... Ils ont même mis, il y a un an, un flux RSS (remplaçant la newsletter) pour suivre les actualités de la marque de Marc : au final 137 abonnés, soit à peu près l'équivalent des entreprises clientes de son entreprise.
Après ces différents constats, Marc prend une décision : son entreprise sera présente sur les médias sociaux, mais elle ne visera pas à être (inter)active, dans le sens où son objectif premier est d’informer le client, se positionner sur certaines requêtes pour prospecter (aspect SEO largement rempli par le site web), et non pas forcément lancer des jeux-concours, re-designer le logo, ou encore réveiller les blogueurs « influents » à 6h du matin…
Le combat avec la direction va être rude, elle qui rêvait de milliers de fans de ses bétonneuses grand public sur Facebook, ou encore de faire choisir la couleur de ses futures grues par des bricoleurs en folie sur Twitter ou sur des forums en vue.
Mais tant pis, Marc préfère miser sur du long terme, sur une présence qui répondra au coup par coup aux attentes des internautes, plutôt que d’essayer de créer ces mêmes attentes par des techniques de « comm » ou de marketing web qui fonctionnent très bien… mais avec des marques qui éveillent l’imaginaire chez leurs « cibles » !
Au final, Marc préfère essayer de canaliser l’attention, plutôt que de l’attirer…
Toutes les organisations n’ont pas besoins d’être actives sur le web dit social ?!
Cela aurait pu être le titre de cet article…
Et oui, car quand on y pense (et je vous conseille cet article du modérateur pour nourrir votre réflexion) le web et ses outils (Facebook, Twitter, etc.) peuvent être vus juste comme des canaux de communication (ou en tout cas d’information) comme les autres. Certes, ils permettent une interaction plus forte avec les « cibles » (terme de marketer amusant surtout lorsque l’on parle de dialogue… mais passons), la possibilité de mettre en adéquation les attentes des consommateurs avec les informations à diffuser, etc.
Mais au fond comme pour tous les médias, nous faisons face à une économie de l’offre et de la demande : l’information qui vient en rupture, qui ne répond pas à une attente mais en crée une nouvelle (logique d’offre). Et l’information qui vient répondre à une attente précise de la part du public (demande).
Alors que faire s’il n’y a pas de demande particulière ? Proposer une offre… Mais pour proposer une offre, ne faut-il pas déjà avoir une certaine présence, un certains « charisme numérique » ? Autrement dit, pour avoir une (e)réputation, ne faut-il pas déjà fournir à l’internaute de la matière pour nourrir ses perceptions et ses échanges ? Il semble que oui…
Seulement voila, une grande majorité de la littérature sur le web définie comme modèles à suivre certaines grandes entreprises charismatiques, et anglo-saxonnes. Ce qui pose deux « problèmes » :
==> Comme dans une entreprise, il y a des leaders et des managers. Des leaders dont le charisme permet de proposer une vision (stratégique ou autre), de « conduire le changement ». Appliqué à une marque, Apple ou encore Coca sont des bons exemples en matière de leadership au niveau de leur communication digitale. Et il y a des managers, moins charismatiques, mais qui sont là pour assurer la bonne gestion de l’organisation, du travail collaboratif au sein d’une équipe ou d’un projet, etc. Appliqué aux marques, nous pouvons penser à la SNCF ou encore la RATP (dans le transport) qui doivent surtout développer une approche du web à visée pratique pour leurs clients, dont le but est de facilité et explicité l'utilisation de ses produits/services (CRM, informations pratiques, etc.).
==> Nous ne sommes pas dans une culture anglo-saxonne. La majorité des entreprises françaises (pas toutes quand même) n’essayent pas (ou plutôt n’ont jamais spécialement essayé) d’incarner un idéal (« a way of life ») ! Si je suis un utilisateur d’Apple, je représente une certaine philosophie… Si je vais chez Leroy Merlin, est-ce réellement un « mode de vie » ?...
Pour résumer, cette question : pourquoi devrais-je être « fan » (avec tout ce que ça implique) de la SNCF par exemple ?
Certains pourront dire que l’on peut aimer les trains, etc. D’accord, mais au-delà ? Ce type d’organisation n’est pas là pour « vendre du rêve », pour affirmer l’identité de ses clients par le biais de la sienne, mais pour rendre un service. Sa stratégie digitale pourra donc passer par des actions managériales (plateformes d’échanges, informations pratiques, etc.), plus que par une présence sur Facebook ou Twitter visant à récolter des « fans » ou créer du « buzz » sur sa propre image…
Et là, me direz-vous, il s’agit tout de même de la SNCF ! Reprenez donc le cas de Marc, et vous verrez que les PME/TPE (90% des entreprises françaises environ) sont encore plus confrontées à ce genre de problématiques…
Et vous, que pensez vous du cas de Marc et de sa décision ? Les organisation ont-elles pour vous le même potentiel « identitaire », le même charisme ?