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15 avril 2013 1 15 /04 /avril /2013 16:45

L’e-réputation est une notion encore jeune. Cependant, 13 ans après son premier emploi dans un article scientifique, il parait intéressant de revenir sur sa jeune histoire. Et cela pour, par la suite, mieux appréhender ses tenants et aboutissants, et surtout continuer à la questionner : car si beaucoup s’accordent à dire que la réputation est une notion essentielle pour mieux comprendre le web et ses jeux d’acteurs, il n’en reste pas moins que du chemin reste encore à faire pour mieux cerner ce concept en devenir. Voici donc un petit résumé (graphique) de cette courte histoire, avec une focalisation sur son développement en France.


Pour commencer voici un peu de « prêt à penser » avec une petite frise chronologique réalisée avec l’outil Easel.ly (qui, pour rappel, ne prend pas en compte les accents). Comme toute « infographie » (qui plus est « historique ») certains choix et raccourcis ont été faits. Notamment sur les dates (par exemple le cas Kryptonite date de 2004, mais il a commencé à être fortement discuté en France en 2006). De plus, même si l’on parle ici de l’approche française, il convient de débuter par les premières recherches anglo-saxonnes sur le sujet.

Pour plus détails, il faut donc lire la suite .

 

Histoire-e-reputation.jpg

 

2000 : première approche scientifique de la « réputation en ligne »

 

Au début de l’année 2000 deux auteurs américains, McDonald et Slawson, produisent le premier article scientifique (à ma connaissance) dédié à la question, et intitulé : « Reputation in an Internet Auction Market » (et dont voici le lien vers la version de 2002).


Dans cet article, les auteurs abordent la réputation en ligne comme une transposition de la réputation : soit la réputation comme un signal permettant de construire la confiance. En l’occurrence, les auteurs s’interrogent sur l’impact de la réputation d’un vendeur sur E-bay dans la fixation des prix des produits que propose ce vendeur. Ils parlent de « scores de réputation » (étoiles, commentaires, historique du vendeur) et voient ces indicateurs comme essentiels à la formulation d’un prix.


Ils en retirent par ailleurs cette superbe équation :

 

Histoire-e-reputation-2.jpg

 

2001 : première apparition du terme e-réputation

 

Si McDonald et Slawson parlent de « internet reputation » ou « online reputation », c’est aux chercheurs Chun et Davies que revient l’emploi pour la première fois du terme « e-reputation » en 2001. Les auteurs soulignent dans leur papier la nécessité pour une organisation de diffuser depuis son site web ses valeurs et autres « signaux de conformité » afin de renforcer ou construire sa réputation par le web (et non pas à proprement parlé sur le web).

 

 

2002 à 2005 : des recherches instrumentales

 

Suite aux premiers articles sur la réputation des vendeurs sur E-bay, de nombreux autres chercheurs (anglo-saxons dans leur grande majorité) vont eux-aussi s’orienter sur ces questionnements : comment développer des systèmes (informatiques) pour mesurer la réputation d’un utilisateur de site de e-commerce ? Comment les vendeurs sur ces sites construisent-ils leur réputation ? Comment assurer la véracité des commentaires sur ces sites ? Comment assurer la confiance en ligne par l’évaluation de la réputation ? Comment établir des classements de ces réputations ?


Bref, des approches instrumentales, dans le sens où elles visent à transposer des notions (réputation, confiance) au web afin d’optimiser les performances marketing et commerciales de sites web. Parmi ces auteurs, on peut citer : Dellarocas, Houser et Wooder, Ducarroz, ou encore Hogg et Adamic…


Notons qu’en France, N. Chazaud commence vers 2005 la première thèse de Doctorat sur le sujet (qu’il soutiendra en 2008), où il s’interroge sur l’apport de la veille stratégique pour identifier les risques de réputation sur le web.


 

2006 : Apparition du terme en France et des premiers cas d’école

 

Suite à ces premières recherches la notion de « web 2.0 » se développe. Et surtout le nombre d’internautes ne fait qu’augmenter avec le déploiement du haut débit. En 2004, la société Kryptonite est la première à faire les frais de cette utilisation accrue du web pour diffuser des informations parfois préjudiciables aux organisations. Histoire reprise en 2006 en France par T. Crouzet sur son blog et qui est aujourd’hui devenu l’un des mythes fondateur de l’e-réputation (un internaute peut faire perdre des millions à une entreprise, alors faites attention)…


Si les chercheurs anglo-saxons restent axés sur la confiance et les échanges marchand en ligne, les professionnels français s’intéressent de plus en plus à l’impact des usages du web social sur la réputation des organisations.


En février 2006, C. Deschamps parlent sur Zdnet de « L'indispensable gestion de la réputation numérique » des organisations et des individus. L’un des premiers articles en France sur le sujet (même si d’autres professionnels s’intéressaient de longue date à la veille image sur Internet par exemple).


Les premiers billets de blogs (ainsi que certaines recherches scientifiques sur le sujet) sont majoritairement orientés vers l’identité numérique. Les premiers prestataires aussi…

 

 

2007 à 2009 : Développement de la notion en France

 

Hormis quelques papiers de recherche sur l’identité numérique donc, la notion d’e-réputation (ce que cela recouvre, comment la mesurer et la gérer, les risques et opportunités, etc.) est développée par les professionnels du web. Cela s’observe à plusieurs niveaux :


==> Multiplication des articles de blogs ou dans la presse en ligne spécialisée. Apparition aussi de blogs spécialisés (dont celui-ci en octobre 2008 ) ;


==> Multiplication des agences/prestataires sur le sujet : d’une dizaine début 2008, j’en compte près de 100 en septembre 2009. Surtout, des pures players arrivent sur le marché avec des prestations 100% dédiées à l’e-réputation (veille, RP, community management, etc.) ;


==> Multiplication des plates-formes de veille exclusivement dédiées à l’e-réputation (avec les indicateurs qui vont avec, et l’opinion mining qui se généralise) ;


==> Apparition des premières offres d’emplois dédiées : consultant ou veilleur en e-réputation ;

 

==> Apparition des premières rencontres de professionnels, avec les barcamps notamment ;


==> Multiplication des cas d’école : Dominos, 3Suisses, Motrin, HSCBC…


Ce qu’il est intéressant de noter (mais j’y reviendrai dans un prochain billet) est que l’e-réputation (tout du moins en France) se construit comme concept uniquement par ses praticiens. Qui, pour la plupart, mettent de côté les précédentes recherches sur le sujet et développent ex nihilo la notion en elle-même. Avec les biais que cela peut entrainer…

 

 

2009 à 2011 : médiatisation du sujet


Souvent de manière anxiogène, mais surtout de façons de plus en plus accrue, les « médias traditionnels » s’emparent de l’e-réputation (surtout des individus) : Le Monde, Le Figaro, Libération, France Info, Culture Pub


Au travers de la problématique du droit à l’oubli, le gouvernement de l’époque s’empare aussi de la question. La CNIL commence elle s’y intéresser, et (tente de) sensibilise(r) les internautes.

Les billets de blog sur le sujet ne sont pas en reste


 

2012 : de l’e-réputation partout

 

En 2012, l’e-réputation, est partout :


==> Dans les offres des assureurs ;


==> Dans les émissions de téléréalité ;


==> Dans la plupart des discours tenus aux « jeunes » ;


==> Dans les écoles supérieures voire les universités ;


==> Dans les normes ;


==> Dans les priorités des entreprises


Bref, la notion est devenue parlante et elle est employée à toutes les sauces. Les organisations commencent à internaliser leurs actions de gestion de l’e-réputation, à normaliser en quelque sorte ces problématiques (via des chartes de bonne conduite sur les médias sociaux par exemple). Ce qui amène par ailleurs les prestataires à s’orienter vers les PME/TPE afin d’élargir leur spectre.


Surtout, de mon point de vue, l’e-réputation est devenue une industrie : acteurs financiers se rachetant les uns les autres pour élargir leur offre, fonctionnement industriel au sein des agences pour mieux maitriser les coûts, production d’indicateurs et de standards de la mesure de l’e-réputation, différenciation par la technologie (outils)…

 

 

2013 : vers de nouveaux questionnements ?


Le problème lorsqu’une notion aussi jeune que l’e-réputation est normalisée aussi vite (et qu’elle n’a pas encore démontrée toute son importance), est que l’on risque de vite tourner en rond. Peut-être n’est-ce qu’un vœu pieux, mais il me semble que 2013 (et ce qui viendra ensuite) est l’année où l’e-réputation commence à être (re)questionnée.


Tout d’abord au niveau du marché : de plus en plus de pures players ferment leurs portes (tout du moins c’est ce que j’ai constaté après le dernier rafraichissement de ma liste d’agences). Faisant ainsi penser à une sorte de bulle qui va bientôt éclater, et qui laissera sur le marché les plus gros acteurs (Publicis, Omnicom, etc.) et les quelques professionnels ultra-spécialisés. De plus, de nouveaux outils intégrant de nombreuses fonctionnalités (veille, community management, opinion mining, cartographie, « big data ») permettent de ne plus avoir recours à des prestataires opérationnels pour une gestion quotidienne (sans compter que les prix de ces plates-formes ne font que diminuer avec le temps).


Du point de vue de la recherche (française), le premier colloque sur l’e-réputation organisé il y a quelques semaines laisse présager des avancées intéressantes à venir. Que ce soit conceptuellement (déconstruire cette notion en lui enlevant ses aspects purement commerciaux), méthodologiquement ou techniquement (opinion mining, cartographie, analyse de l’influence). Sans compter que plusieurs thèses sur le sujet (ou des sujets connexes) vont voir le jour cette année…

 

 

Au final…

 

Tracer l’historique d’une notion comme l’e-réputation est parfois futile, souvent mouvant, et quoi qu’il arrive partial. Cependant, il me semble que cette rapide mise au clair peut éviter à l’avenir une certaine stagnation des réflexions et des avancées sur ce sujet.


D’un point de vue business, croire que les organisations en resteront là et ne chercheront pas à sortir du traditionnel carcan « veille-community management »  me semble bien péremptoire. Qui plus est quand la seule motivation repose sur la peur ou sur des épiphénomènes érigés en cas d’école.


Plus globalement, il reste de nombreux sujets à aborder, de nombreux aspects seulement survolés à creuser, et un réel travail sur la notion en elle-même à effectuer. Mais pour ça, on a encore le temps

 

Et vous, quels événements « historiques » associez-vous au développement de l’e-réputation en France ? Que rajouteriez-vous à cette frise chronologique ?

 

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commentaires

T
Bonjour,<br /> <br /> Dans le cadre de mon mémoire de fin d'études, je fais une recherche sur l'influence de la réputation. Je fais donc appel à vous pour répondre à un petit questionnaire sur les achats en ligne.<br /> <br /> J'ai besoin d'un grand nombre de réponses pour la fiabilité de mon échantillon. Cela me serai d'une grande aide et ne prend que 5 minutes. Merci beaucoup par avance !<br /> <br /> https://docs.google.com/a/inseec-france.com/spreadsheet/viewform?formkey=dFA5dTFfbGZwYzJmRTUwa2x2OExDdUE6MQ#gid=0<br /> <br /> Cordialement,<br /> Tristan.
F
De nouveau concept dans les années 2000 l’e-réputation est en effet devenue une notion incontournable en 2013… Mais surveiller son e-réputation est une chose, l’analyser et donc la gérer en est une<br /> autre.<br /> <br /> Je recommande sur ce sujet un livre blanc très bien fait sur la mesure de l’e-réputation (mis à disposition gratuitement par un des éditeurs d’outils dits de « social analytics ») :<br /> http://www.atinternet.com/documents/analyse-de-le-reputation/
A
Faut se rappeler qu'en France, au départ, on parlait plus souvent de "cyber-réputation" que d'"e-reputation" ;)
J
Ça remet les idées en place merci ! Que pensez vous du terme "intelligence sociale" qui évoque surtout l'analyse des informations que l'on peut tirer des contenus publiés sur les médias sociaux et<br /> met de côté la partie "actions" (CM à priori) pour influer sur l'e-réputation ?

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